• Menu
  • Menu

20h de voyage au Vietnam : panne, police, arnaque

16h30
Comme convenu, notre chauffeur arrive à l’heure avec un joli véhicule tout confort. 10 minutes plus tard, nous arrivons, non pas à la gare de bus, mais à ce qui ressemble plus à un petit restaurant qu’à une agence de voyage. Un couple est en train de nettoyer un frigo. Ils ne parlent pas un mot d’anglais et nous n’avons que les gestes et notre destination pour discuter : Hue. Pour eux tout est normal, ils ne nous adresse quasiment pas la parole. J’essaie d’avoir une confirmation en montrant un bus du doigt sur une photo et ma traduction approximative de la réponse ressemble à “Asseyez-vous, calmez-vous, consommez un peu, le bus finira bien par arriver”.

17h00
Une bonne demi-heure (et 2 kebabs) plus tard, il semble que ce soit l’heure de quitter les lieux. Notre intermédiaire me tire encore un peu la tronche, j’ai consommé mon premier Kebab chez une concurrente, juste devant son stand. Un bus vient de passer devant nous et on se rend compte que nous ne sommes qu’à une centaine de mètres de la gare. Devant l’entrée, il y a un bus et du personnel est en train d’y charger des valises. Je m’approche en demandant si ce bus va bien à Hue mais personne ne semble comprendre ni même s’intéresser à mon projet. On me fait signe d’attendre. Une attente d’une trentaine de minutes.

17h30
Avec comme réponses un peu de “oui”, un peu de “non”, un peu de “je sais pas trop”, nous pouvons finalement monter à bord du bus sans avoir la certitude qu’il va bien à Hue. Au pire, on va dans le Sud.
Comme dans tous les bus au Vietnam, la musique est omniprésente, forte et vite agaçante. Un peu comme les conversations de nos voisins. Nos couchettes sont plutôt confortables mais très étroites. Pas assez de place pour les jambes, une petite cinquantaine de centimètres de largeur. J’attaque la lecture d’un livre sur mon ordinateur. Parfois, au loin, on aperçoit un paysan au travail, isolé au milieu d’une rizière, le dos courbé.

20h30
Arrêt classique dans un restaurant et son traditionnel pissoir puant. J’achète une canette de jus d’orange plutôt qu’une bouteille d’eau. La nuit devrait maintenant vite passer. La musique de mon mp3 a fini par remplacer la lecture, les yeux sont fermés. Et même si les quelques phases de sommeil sont de courtes durée, je me repose.

06h00
Le calme me réveille. Le bus est à l’arrêt et le silence, total. Je vais me rendormir facilement et au réveil, le plus dur sera passé.

07h00
Les conversations sont redevenues une nouvelle fois trop fortes. En me réveillant, j’aperçois Yohan, étalé dans l’allée à quelques centimètres de moi. C’est encore plus étroit que son siège mais il peut au moins étaler entièrement ses jambes. Les gens s’agitent et semblent tous être attirés par la sortie. C’est à ce moment, qu’en guise de réveil, une sacoche d’ordinateur atterrie brutalement dans le coin de son visage. Ici, le redbull est à 20 000 VND mais la beigne est offerte sans supplément. Quelques instants plus tard, après un charabia mais des gestes de la main à la signification assez évidente, je comprends qu’on est prié de sortir rapidement. Le bus est en panne et deux minibus sont garés derrière lui. Personne ne nous confirme vraiment lequel des deux minibus ira à Hué.

08h00
Après une première heure de pilotage plus adapté à un circuit de course qu’à une simple route de campagne vietnamienne (on dépasse régulièrement les 100 km/h), une voiture de police déboule devant les deux minibus. Le message est clair, il faut s’arrêter. L’un des flics s’approche de notre véhicule. A ce moment, j’aurais voulu frissonner un peu, m’imaginant donner mon passeport après qu’il ait fait lentement le tour du véhicule tel le T-Rex dans Jurassic Park. Mais il a beau essayer de se donner un air grave, avec son uniforme, j’ai l’impression de voir Tintin au Congo. Après un bref échange, le pilote et son collègue finissent par sortir du minibus. Une réunion est prévue à quelques mètres de là, le capot de la voiture de police en guise de table ronde.
Apparemment, on ne rigole pas avec la paperasse au Vietnam. La mise à l’amende semble durer une éternité. La plupart des passagers en profitent pour se dégourdir les jambes. En face, à quelques mètres de la route, une paysanne travaille au milieu d’une rizière, les genoux dans la boue, le dos courbé.

09h00
Quelques minutes après avoir pris un passager supplémentaire, nouvel arrêt devant une station essence. Encore une personne, accompagnée de ce que j’imagine être sa famille, qui l’a probablement suivie pour un dernier au revoir. Ah non, c’est bien 6 personnes qui veulent monter à bord de notre minibus déjà plein. Dans un premier temps, le co-pilote commence par ouvrir la porte coulissante puis après réflexion, semble vouloir annuler ce nouveau covoiturage. Le pilote fait la moue et redémarre mais fini lui aussi par se raviser. Après une courte discussion, les 4 adultes et les 2 enfants vont monter dans le minibus. Parole de vietnamien.
En temps normal, avec 16 places officielles (et 2 strapontins), les passagers sont déjà bien serrés. Nous sommes maintenant 28, entassés dans ce minibus. J’ai le bras et l’épaule droite compressés par ma voisine, qui porte sur ses genoux une petite fille. De mon côté, j’écrase de la même façon mon voisin de gauche, j’ai le dos tordu et un genou enfoncé tant bien que mal dans l’assise métallique du siège qui me fait face. Derrière, un enfant vomi pour la deuxième fois, juste à côté de Yohan, bien trop grand pour caler convenablement ses jambes.

10h00
Plus l’on descend vers le sud, plus la chaleur augmente, plus le manque d’air frais se fait sentir, plus je regrette de ne pas avoir acheté de bouteille d’eau et plus les frottements avec mes voisins, au rythme des secousses, deviennent harassants. Malgré la surpopulation, notre véhicule continue de dépasser allègrement les 100 km/h et d’enchaîner les dépassements périlleux. Personne ne semble inquiet autour de nous. Peut-être n’ont-ils pas assez vu d’images d’accidents… Je me souviens de cette fraction de seconde où tout s’arrête. Puis le choc et les bouts de pare-brise dans les cheveux, le sang qui coule, les étoiles plein les yeux.
Le chauffeur montre des signes de lassitude. Il discute en regardant longuement son voisin et croise les bras sur le volant tout en gardant une vive allure. Malgré un scooter en sens contraire, un grand virage et la visibilité nulle, il s’engage dans un dépassement et frôle une nouvelle fois l’accident. Au loin, quelques instant après la sortie du virage, les gyrophares d’une voiture de police  (à l’arrêt, en plein milieu de la route) se font menaçant. Le co-pilote, debout depuis 1 heure, tente de se baisser pour se faire discret. Lorsque nous arrivons au niveau du véhicule, un flic traverse la route en courant et se dirige vers un bus à l’arrêt sur le bas côté. Nous ralentissons puis lorsqu’il est clair que la police est déjà occupée ailleurs, nous nous faufilons entre la voiture et le bus.

texte arnaque bus vietnam

11h00
On nous fait signe de changer de minibus. Nous sortons plutôt soulagés même si en y réfléchissant, ce changement n’est pas vraiment logique. Yohan échange un regard de compassion avec sa voisine et son fils malade comme pour lui souhaiter bonne chance. A peine sorti, une fille lui montre son portable sur lequel elle a traduit un texte en français. Google ne maîtrisant pas encore très bien la traduction, le français est aléatoire. Elle nous annonce que quelque chose se trame dans notre dos et qu’elle se trouve dans la même situation que nous : le bus dans lequel on nous transfert n’irait pas à Hué et nous devrions partager les frais d’un taxi avec elle. Nous n’y prêtons pas vraiment attention, bien trop soulagés de quitter ce cercueil roulant. Notre nouveau véhicule est plein mais nous parait suffisamment spacieux. Yohan doit par contre se contenter d’un peu de mousse sur une glaciaire faisant office de siège d’appoint.
Moins de 30 secondes après la fermeture de la porte, notre nouveau chef d’équipe, assis à côté de nous, tente une première intimidation consistant à nous montrer du doigt et se foutre ouvertement des deux touristes que nous sommes. La blague faisant rire sans retenue tous les autres occupants, difficile de réagir autrement qu’en ne souriant bêtement. Personne n’a l’air de parler anglais ici. La seconde manœuvre ne tarde pas, désormais il nous montre une liasse de billet et nous fait un signe sans équivoque (un simple frottement du pouce contre l’index). Alors comme ça on devrait passer à la caisse? Cette caisse que nous pensions avoir déjà bien rempli à l’achat de notre billet de bus couchette (38 $, a priori pas l’affaire du siècle). Pas question. Yohan tente de rester serein et lui montre avec assurance le ticket prouvant notre paiement. Cela n’a visiblement pas l’impact escompté et revoilà cette fille avec son portable qui tente de nous indiquer avec un anglais pire que le nôtre que nous n’avons pas le choix de coopérer si nous souhaitons rester à bord. Elle nous laisse un message sur notre billet de bus.
Quelques kilomètres et ricanements de toute l’assemblée plus tard, le bus s’arrête. Des occupants de l’arrière doivent sortir, obligeant Yohan à se lever de sa glaciaire et à sortir pour les laisser passer. Le responsable du transport en profite pour revenir à la charge et réclamer ses billets. Il est cette fois-ci appuyé par le chauffeur (balafré du menton à la bouche) sorti lui aussi du véhicule, avec un air manquant de convivialité. Par les gestes et quelques baragouinages, il semblent indiquer qu’il ne remontera pas à bord sans avoir d’argent et nous pourrions très bien rester ici si nous n’étions pas près à coopérer. Désormais, le chef de cabine tient Yohan par le bras, qui ne cède pas sous la pression et maintient notre ligne de défense : « We have already paid for Hué ! » Il tente de remonter à bord en se dégageant mais il ressent plusieurs sensations de piqûres à la jambe. Ça peut paraître étonnant mais en guise de représailles, le pilote lui tire les poils des jambes. Désormais nous ne cherchons plus à parler ou à comprendre quoi que ce soit. Remarquant notre détermination le minibus fini par repartir dans une certaine agitation. Yohan n’a visiblement pas apprécié le traitement. Les moqueries se poursuivent. Un des passagers, maîtrisant facilement 8 à 10 mots d’anglais semble nous indiquer que nous prenons bel et bien la route de Hué mais que nos anciens conducteurs nous ont menti. Ils n’allaient pas à Hué et ont a priori gardé tout l’argent. Après plusieurs communications du boss par téléphone, nous rattrapons notre ancien van, le dépassons (le directeur des opération en profite pendant le dépassement pour réclamer l’argent) et nous nous arrêtons quelques mètres plus loin. Une minute plus tard, le G.O. revient à bord avec quelques petits billets qu’il brandit fièrement avant de prononcer un petit discours de victoire en nous regardant. Notre rançon a semble t’il été payée.

12h00
La gare routière d’Hué apparaît. Les conducteurs de taxi et de tuk-tuk vont bientôt se ruer sur le minibus. Sommes-nous loin du centre et de l’hôtel? La carte est chargée sur le téléphone mais les batteries sont vides. Il faut trouver une prise et ne pas s’intéresser à la dizaine de conducteurs qui proposent leurs tarifs.

12h30
On nous accueille avec le sourire. Les 20 heures de galères sont maintenant derrière nous. Un nouveau voyage commence.


La vie continue.

Laisser un commentaire

5 commentaires